Les vautours planent dans ma tête, appâtés par mes pensées moribondes ; l’après-midi en est pourtant à ses heures vacillantes et déjà la fatigue a pris refuge entre mes tempes; il m’est désormais impossible de travailler.
Le moment est venu de m’échapper; je pars rejoindre mon petit havre; c’est mon habitude, en chacune des villes qui m’accueillent, d’en avoir un.
Je prend le métro, ma fatigue m’accompagne toujours et, privilège de son incorporalité, cette dame, ne paie pas le ticket, elle voyage clandestine !
Les flics m’arrêtent, contrôlent mon passeport, fouillent mon sac et mes habits, mais elle, bien sûr, ils ne la voient pas, qui de mon regard éteint, les nargue !
Tout le long du trajet, elle joue à l’enfant, traîne les pieds d’une tempe à l’autre, jacasse de longs monologues stupides, je n’en puis plus, mais que faire? Il y’a un autre flic à côté de moi; je ne peux, tout de même, pas la prendre à parti; le plus sage
est de rester discret.
Il est habituel, dans les combats opposant l’homme à sa fatigue que les deux adversaires tombent d’un double KO; la fatigue assomme l’homme qu’elle accompagne dans sa chute, happée par son sommeil.
Pour le moment, notre lutte n’en est qu’à ses prémices. Et si elle a pris l’ascendant dans le premier round, je lui réserve assez de surprise pour qu’elle ne tarde pas à douter de son assurance; le travail de sape commence!
Nous approchons du moment qui lui sera fatidique, il me suffit de tenir encore la garde quelques instants.
« Chorsu bozori bekati » (la station du marché de Chorzu). Les portes du métro s’ouvrent, mon corps dans un corps plus vaste en sort, cela fait partie du mécanisme. Un claquement métallique suivi d’un crissement et déjà le métro s’est engouffré dans la gueule noire du tunnel.
À la sortie, la lumière jette sur nous ses lueurs agressives; plus que quelques pas, une côte, un virage, une porte dans un mur; enfin nous y voilà, Nous sommes à la Medrasa
C’est l’heure exquise, celle ou la demeure nous livre les secrets des ombres et des odeurs.
Je salue mon ami le jardinier, qui s’affaire à garnir le patios de nouvelles fleurs et m’assois sur le muret, comme à mon habitude.
L’atmosphère du lieu pénètre par tout mes sens: le son mélodieux de l’eau, l’harmonie des senteurs, la palette subtil des couleurs; Ah ! Si ce moment avait un nom, je l’appellerais : « sérénité »!
Mais la fatigue, où a-t-elle disparu ? Plus aucune trace d’elle; je m’étonne de sa si prompte lâcheté, je lui croyais plus de hargne et de fierté!
Un adversaire est démis qu’un nouveau lui succède. C’est le petit gardien de la Medrasa; encore une fois il m‘impose sa compagnie, faisant fuir la quiétude.
Il traverse le patio d’un bout à l’autre, en me lançant des mots qui n’ont pas la vigueur d’atteindre mon oreille. Plutôt que de contourner les fleurs, ils préfèrent leur marcher sur la tête et, non las de son massacre, il s’accroupit sur elles, pour me parler.
Des mains, il m’enlève mon carnet, sur lequel il griffonne, d’une mauvaise calligraphie arabe:
«Bismillah al Rahman al Rahim » ( au nom de Dieu le très miséricordieux, le tout miséricordieux).
C’en devient fatigant… mais soudain, je comprend : « Ah! Mais quelle garce ! »
Je croyais l’avoir défait, mais la bougresse n’était pas sans ressources.
Que ne la savais-je deviné assez rusée, pour se travestir de la peau, du plus pervers des hommes, pour pénétrer la Medrasa!
photos de Shanghai en vrac!
Il y a 17 ans
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