samedi 9 août 2008

L'attraction aux mariés

Samedi s’éteint dans la langueur. Ne faites pas de même!
Venez, je vous emmène découvrir le jardin japonais!
Il n’en coûte que 3000 soums. Trois billets, ne soyez pas avares, le détour est payable en bonne humeur et en bons souvenirs.

Le gazon est rasé de prêt, il en parait une moquette verte, que longent des parterres de fleurs de saisons. Sur les berges d’un lac d’eau grise, une bande de cannes se dandinent et caquettent; deux, trois petites pagodes parsemés ça et là, finissent de compléter la toile. Décidément, on ne nous a pas trompé, nous sommes bel et bien dans un jardin japonais.

À ce détail prêt, qui n’est pas anodin : le samedi à Tachkent, c’est comme à Bamako - un jour de mariage.

Pour moi aussi, ce jardin était banal, aux premiers abords. Je marchais, mal réveillé, la tête lourde de pensées, et les yeux balayant le sol, plein de nonchalance.

Ce qui fit tilt? Le frottement d’un tissu sur le goudron râpeux de l’allée.
C’est à cet instant que j’ai levé les yeux et le spectacle a commencé!

Un marié, une mariée, jusque là, rien de renversant ! L’homme est vêtu d’un complet sombre, élégant, le col serré par une cravate cramoisie, sa moitié, toute blanche, a la taille qui déborde d’une cascade de dentelles.

Un mariage, comme il est commun d’en voir à Paris.
Un mariage? Deux en fait, un autre couple les suit!
Attendez voir ! Deux couples ? Non ! Ils sont Dix ! Ils sont Vingt ! …. Et Combien d’autres encore!

Une file d’attente de mariés se presse, à l’orée du porche d’une seconde entrée - la véritable entrée romantique. On se croirait dans un parc d’attraction.

Tous s’impatientent de fouler la pelouse. À croire que les froufrous blancs ont hâte de se tacher de chlorophylle.

Les chanceux sont déjà en piste, et batifolent sous les flashs des photographes.
Qui est assis sur un banc, l‘air benêt, un bouquet de fleur artificielles à la main, qui est debout, plus solennel, plus ridicule, qui d’autres, mime le baiser réjoui…

Mais la plus folle attraction, c’est le pont où s‘amasse les foules noires et blanches, plus nombreuses que jamais.
Un petit sourire pour la postérité, une tendre étreinte qui trônera bientôt en photo sur le buffet; un couple s’en va, suivi d’un autre, et d’un autre, et d’un autre.
Champ de pâquerette éphémère!

J’espère que vous n’êtes pas déçu d’avoir lesté votre bourse!

Le jour donne maintenant la main à la nuit, le ciel a jauni le temps d‘un frisson, pour redevenir sombre. Les brebis blanches et leur fier béliers, quittent le pré, la nuit sera longue et langoureuse dans la bergerie!

Vautré sur un banc, la tête dans les bras et mon livre sur le ventre, je reste en compagnie du vent. Je l’observe qui ride l’eau grise, et chasse des arbres, les feuilles hélices. Elles tournoient longtemps dans le ciel, où deux colombes s’ébattent, faisant claquer leurs ailes dans un bruit de papier froissés; Le parc se vide, un voile noir vient de couvrir le corps de Tachkent.

Combien de couples s’aimeront, cette nuit ?
Beaucoup ! Qui en doute?

Le dépeuplement de la ville attendra que l’on déracine son jardin japonais !

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