J’ai vu Samarkand et j’ai vu Boukhara, j’en ai chargé mes sens comme on pille un trésor, à ras bord, tant et trop , qu’à chaque nouveau pas, des scintillements, des ondes, des mélodies se déversaient de mon cabas ; à chacun d‘eux, dis-je, c’était un éclat de bleu qui traversait l’horizon, un chant de Muezzin qui fendait le silence…
J’ai quitté Boukhara, j’ai quitté Samarkand, mais comme Poucet, j’ai semé sur ma route, leurs souvenirs, et la promesse que je leur ai faite : Si ce n’est dans un mois, si ce n’est dans un an, un jour, je vous le jure, je reviendrai!
Comment vous décrire, en mots, ce que les sens seuls, peuvent goûter, écouter, sentir?
Même extatique, maniant les points d’exclamation et le pathos, ne parviendrais-je à verser dans votre bouche, la saveur de l’eau bénite de Daniel, le goût d’un samosa, oublié au soleil, celui du pain de Samarkand, à sa sortie du four.
Fermez les yeux pour voir !
Imaginez: des femmes, aux faces turques, leur yeux sont bridés et leurs cheveux fort noirs. Les voyez vous ?
Et leur robes roses, leur robes bleues, les voyez vous aussi ?
Imaginez que chaque enfants, sachent suffisamment l’anglais, pour vous saluer, vous demandez votre nom et des bonbons, parfois aussi une photo, pour que vous n’oubliez pas que ces villes, ce sont eux aussi, ceux qui l’habitent.
Ce petit là , qui mâchouille un sourire rouge, c’est Amir ( le commandant), celui là avec ses grands yeux noirs, Oulougbek. Ils me demandent des crayons, mais je n’ai rien, juste une grimace pour faire rire, ou une main chatouilleuse qui jette son dévolu sur un ventre rebondi, sur une côte…
Le contact est si simple ! Babel ne s’est pas totalement détruite, il demeure le langage universel du rire !
Votre salive se fait-elle abondante à la pointe de votre langue ?
Laissez vous pénétrer ! Faites taire vos envies pressantes, vos doutes, vos petites inquiétudes quotidiennes, nous sommes sur la route de la soie.
C’est ici, là où votre pas se pose, que Mirzo Oulougbek, a enrichi l’astronomie, en cet endroit précis qu’Omar Khayam a composé une ode à l’ivresse,
Combien d’Empire s’y sont formés?
C’était il y’a quelques siècles et Samarkand était la reine du monde!
Mais laissons là l’histoire ! Je vous laisse pénétrer l’atmosphère de ces villes:
Boukhara à la couleur chaude du sable, Samarkand est bleue comme un saphir que le ciel habille de ses humeurs.
À Boukhara, du haut de son minaret, j’étais seul avec le soleil qui se couche, la tête contre une pierre, le regard comme un hameçon dans le vide, seul avec le délicieux silence qui habite les cime.
C’est à cet instant que je t'ai aimé Boukhara!
Au premier regard, elle m’avait semblé trop coquette, trop parée et suffisante!
Mais là, niché au plus haut de son minaret, elle m’a désarmé!
J’ai aimé me perdre dans ses chemins, partager la prière du vendredi, avec les fidèles de ses mosquées, j’ai aimé ses enfants, ses femmes et ses voyageurs. J’ai aimé ma petite sœur Yuldus, qui parle 5 langues, alors que l’école pour elle s’est terminée il y’a deux ans, lorsqu’elle avait 16 ans. J’ai aimé la compagnie d’Andrea et sa grande quiétude; j’ai aimé grimper toutes les hauteurs, dont l’effrayante tour d’acier de la station hydraulique.
J’ai aimé, voilà tout ! Car j’ai baissé ma garde, devant la belle Boukhara!
Dans le train qui nous menait à Samarkand, je n’avais plus envie de rien.
Même découvrir cette ville, pourtant, la raison de mon voyage, ne me consolait pas de
La perte de Boukhara.
Quand j’ai aperçu depuis la vitre du Dama, le Registan, j’ai eu un haussement d’épaule et une exaspération. Je me suis dit : Te voilà orgueilleuse ! Ne gaspille pas trop de ton temps à me séduire, c’est vain, je suis déjà amoureux!
La première journée a passé, mon désintérêt était ferme ! Elle a pourtant manœuvré, tenté quelques œillades: Mais voilà, l’observatoire d’Oulougbek et cette mosquée dont j’ai oublié le nom n’ont eu aucun effet; même la roseraie, et le monument fait d’or et de topaze m’ont laissé de marbre ( ça fait beaucoup de matériaux nobles eh eh!)
Les seuls moments savoureux de la journée, c’était la bonne grosse étreinte, de
Diadia Giena ( aka tonton Giena, notre guide et ami arménien; J’ai suivi ton conseil Mat! ) en fin de journée, lorsqu’il nous a laissé au restaurant. Et surtout, ce demi poulet que j’ai englouti avec des frites.
Depuis 5 semaines, j’avais perdu l’idée, qu’il existât d’autre viande que le mouton!
C’était le soir déjà! Et un lit tout blanc attendait mon sommeil!
Au réveil, j’avais de l’appétit ! J’ai levé mon regard vers le ciel, et j’ai senti que cette journée ne serait pas semblable à celle de la vieille. Samarkand souriait, sûr de son pouvoir! Son ciel était d’un bleu pur et parsemé de nuages. La lumière était caressante, l’air doux! Le petit déjeuner copieux! Samarkand n’avait pas lésiné sur les moyens, elle savait comment s’y prendre pour me piéger!
Le mausolée d’Amir Timur, était proche de notre B&B, c’était le premier contact avec Samarkand, la bleue! Je n’étais plus impénétrable, j’avais pris une bonne bouffée d’air, et Samarkand avait jaillis dans mes bronches… Le Registan sonna l’assaut final ! La ville pénétra complètement en moi, et une paix immense m’envahit!
Oubliés alors ma vie, mes doutes, mes espérances, je me dissolvais dans un univers bleu, en me demandant qui de la ville ou du ciel miroitait sur l’autre ses splendeurs!
J’en conclus que c’était un couple, et jamais encore, il ne m’avait été permis de contempler une telle harmonie!
Nous restâmes cinq bonnes heures, Kazu et moi, à nous gorger de cet atmosphère! Bien sûr, le décor était trop poussé, bien sûr les soviétiques avaient tout repeint, tout épousseté, mais l’âme du lieu, était là en nous; elle partageait ses secrets!
J’appris auprès de Kazu, la lecture dans les lignes des mains, le moindre prétexte était à saisir, pour prolonger, cet instant, cette intensité!
La poursuite de nos visites se fit entouré de cet aura, tout semblait lisse et doux comme de la soie, la magie de Samarkand avait opéré! Je trompais déjà la femme de la veille, aimée, pour une femme tout aussi surprenante!
Sans m’en rendre compte, je commettais l’adultère citadin !
photos de Shanghai en vrac!
Il y a 17 ans
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