samedi 30 août 2008

troisième temps : Escale à Beruni.






Mon nouveau quartier ( Biruni)

























Premier étage, les rideaux sont tous fraichement posés. Je commençais à m'y faire pourtant au naturisme, hep Bonjour madame!












Ma chambre de mâle viril















Un squatteur !










Deux petites soeurs!

Dildraba en casaque orange, Dildora pour les jaunes!

samedi 16 août 2008

Le Colonel

Shuhrat vient de sortir du wagon, il me reste quatre stations, c’est le moment tant caressé d’ouvrir, ce livre dont la lecture m’impatiente.
J’ai emprunté pour le week-end, « le langage des oiseaux » , du grand poète et maître soufi, Farîd Ud-Dîn’Attar.

Il s’agit d’un conte initiatique, retraçant le périple d’un groupe d‘oiseaux de toutes les espèces, dont chacune symbolise un caractère humain.
L’objet de leur quête est de rencontrer l’oiseau Simorg, allégorie de Dieu, et d’en faire leur roi. Dans cette mission, ils sont guidés par la huppe, qui incarne dans le Coran, la messagère d’amour.

Le métro est bruyant, et j’ai peine à concentrer mon attention; je commence à lire à haute voix pour que les mots m’absorbent à eux, et Dieu merci, leur musique n’est pas lente à y parvenir.

Assit non loin de moi, un vieux monsieur, à la mine encore gaillarde, s’amuse de mes intonations.
Sa moustache est à l’instar de ses cheveux, blanche, et duveteuse comme le plumage d’une oie.
Pour le moment, il m’adresse un sourire, auquel je réponds poliment, sans détacher les yeux de ma lecture, je sais qu’à un moment ou un autre, il va m’aborder.
Le seul temps d’y songer, qu’en un coups de hanche, il a gagné trois place sur la banquette, et je sent désormais, son haleine chargée de tabac qu’il expire d’un souffle bruyant.
Ses premiers mots en russe, je ne les comprend pas, ni d’ailleurs ceux qui suivent. J'en pêche de ci de là, quelques bribes, que j’agence comme je peux pour en former une phrase.
Je comprend qu’il a vécu en Allemagne et qu’il en a profité pour faire escale dans la ville de Dijon.

Beruni bekati ( station de Beruni, mon nouveau quartier) Je descend, suivi de mon récent
compagnon.
Peu familier de ce quartier, je lui demande de m’indiquer le chemin vers mon nouveau domicile, qui est à la proximité du collège polytechnique. Il se propose de m’accompagner, ce que j'acepte bien volontier.

La conversation s’amorce sur la littérature, et de nos seuls gestes appuyés par de grands et joyeux ah ! ou oh ! exclamatifs, nous nous investissons critiques littéraires.
C’est mon ami Tolstoy qui est le plus choyé, d’une main que j’élève du plus haut que je puisse, je le couronne roi de la littérature; mon interlocuteur n’en disconvient pas. Puis il est question de musique classique et de jazz; Chopin vaut tout nos Ah! Et Armstrong n‘est pas en reste de nos Oh! Il commence à me plaire ce petit vieux!

Ravis de nos goûts communs, nous égarons la discussion sur d’autres chemins;
Il me parle de sa vie: c’est un colonel, à la retraite, un ancien de l’armée soviétique. Il a longtemps vécu en Allemagne, et s’est passionné pour la deuxième guerre mondiale.

Et de musique il est encore question. La musique française, il l’a connaît et l’aime beaucoup : Piaf a ses faveurs, mais il ne sait rien de Ferré;
Puis on en vient à la musique arabe, je m’attend à ce qu’il me fasse l’éloge de la princesse Feyrouz, mais ce n’est pas tout à fait ce scénario qui prend forme.
D’une moue de dégoût, il me répond que la musique arabe, et même les arabes en général ce ne sont pas sa tasse de thé.
- « Je suis ouzbek » qu’il me déclare, mais je suis antisémite et par-dessus tout, je déteste les musulmans. »

Mince! Où est passé le petit vieux qui aimait Tolstoy et me mimait sur un piano imaginaire une fugue de Chopin?

Il reprend son propos, dans les abysses d'où il l’avait laissé, et le conclu par un cris triomphant:
« White Power !»
Moi d’une bouche de plus en plus molle, je ne sais que répondre, mais je lui pose quand même cette question :

- « Tu me disais que tu aimais Armstrong et Ella Fitzgerald, pourtant, je ne crois pas qu’ils fussent jamais blancs ! »

- « Oui mais les Etats-Unis, ce sont un grand pays! »

- « Da !! » je ne vais pas le contredire à ce sujet, c'est vrai que ce pays est vaste!

Un réverbère nous arrose d’une lumière orangée, et son corps jailli de la pénombre.
Il n’est pas grand, et son visage encore animé par la discussion, n’enlève rien à la sereine douceur qui se dégage de ses traits.
Je le regarde dans les yeux et avant de nous séparer - je viens d‘arriver chez moi- je pose une de mes mains sur son épaule et l’autre sur son coeur en lui disant:

« Tu sais mon frère ( Brat, en russe), pour moi les juifs, les musulmans, les noirs, les antisémites et tout les autres… ce sont la même famille d’êtres humains, Et je les aime comme toi aussi je t’aime. En russe, la phrase est plus sinueuse, mais il la comprend et répond:

« Bah pour moi, Non !»

Nous nous sourions, et d’une poignée de main amicale, nous prenons congé l’un de l’autre et de notre conversation.

Les quelques derniers pas dans cette nuit plus fraîche qu’à l’accoutumée, me font méditer la phrase que je viens de prononcer. Je me questionne sur sa valeur dans ma bouche: Suis-je vraiment à la hauteur de mes propos ? L’amour que je vante, est loin de m’animer chaque jour, alors comment puis-je prétendre parler en son nom ?!

La porte de l’appartement s’ouvre sur cette dernière réflexion et déjà mon corps est jeté sur le lit, et mes yeux las sur mon livre.

‘Attar, qu'à tu à répondre à cette question ?!

jeudi 14 août 2008

Ulysse dans la Medrasa

Les vautours planent dans ma tête, appâtés par mes pensées moribondes ; l’après-midi en est pourtant à ses heures vacillantes et déjà la fatigue a pris refuge entre mes tempes; il m’est désormais impossible de travailler.

Le moment est venu de m’échapper; je pars rejoindre mon petit havre; c’est mon habitude, en chacune des villes qui m’accueillent, d’en avoir un.

Je prend le métro, ma fatigue m’accompagne toujours et, privilège de son incorporalité, cette dame, ne paie pas le ticket, elle voyage clandestine !
Les flics m’arrêtent, contrôlent mon passeport, fouillent mon sac et mes habits, mais elle, bien sûr, ils ne la voient pas, qui de mon regard éteint, les nargue !

Tout le long du trajet, elle joue à l’enfant, traîne les pieds d’une tempe à l’autre, jacasse de longs monologues stupides, je n’en puis plus, mais que faire? Il y’a un autre flic à côté de moi; je ne peux, tout de même, pas la prendre à parti; le plus sage
est de rester discret.

Il est habituel, dans les combats opposant l’homme à sa fatigue que les deux adversaires tombent d’un double KO; la fatigue assomme l’homme qu’elle accompagne dans sa chute, happée par son sommeil.

Pour le moment, notre lutte n’en est qu’à ses prémices. Et si elle a pris l’ascendant dans le premier round, je lui réserve assez de surprise pour qu’elle ne tarde pas à douter de son assurance; le travail de sape commence!
Nous approchons du moment qui lui sera fatidique, il me suffit de tenir encore la garde quelques instants.

« Chorsu bozori bekati » (la station du marché de Chorzu). Les portes du métro s’ouvrent, mon corps dans un corps plus vaste en sort, cela fait partie du mécanisme. Un claquement métallique suivi d’un crissement et déjà le métro s’est engouffré dans la gueule noire du tunnel.

À la sortie, la lumière jette sur nous ses lueurs agressives; plus que quelques pas, une côte, un virage, une porte dans un mur; enfin nous y voilà, Nous sommes à la Medrasa

C’est l’heure exquise, celle ou la demeure nous livre les secrets des ombres et des odeurs.
Je salue mon ami le jardinier, qui s’affaire à garnir le patios de nouvelles fleurs et m’assois sur le muret, comme à mon habitude.

L’atmosphère du lieu pénètre par tout mes sens: le son mélodieux de l’eau, l’harmonie des senteurs, la palette subtil des couleurs; Ah ! Si ce moment avait un nom, je l’appellerais : « sérénité »!

Mais la fatigue, où a-t-elle disparu ? Plus aucune trace d’elle; je m’étonne de sa si prompte lâcheté, je lui croyais plus de hargne et de fierté!

Un adversaire est démis qu’un nouveau lui succède. C’est le petit gardien de la Medrasa; encore une fois il m‘impose sa compagnie, faisant fuir la quiétude.

Il traverse le patio d’un bout à l’autre, en me lançant des mots qui n’ont pas la vigueur d’atteindre mon oreille. Plutôt que de contourner les fleurs, ils préfèrent leur marcher sur la tête et, non las de son massacre, il s’accroupit sur elles, pour me parler.
Des mains, il m’enlève mon carnet, sur lequel il griffonne, d’une mauvaise calligraphie arabe:
«Bismillah al Rahman al Rahim » ( au nom de Dieu le très miséricordieux, le tout miséricordieux).

C’en devient fatigant… mais soudain, je comprend : « Ah! Mais quelle garce ! »

Je croyais l’avoir défait, mais la bougresse n’était pas sans ressources.
Que ne la savais-je deviné assez rusée, pour se travestir de la peau, du plus pervers des hommes, pour pénétrer la Medrasa!

mercredi 13 août 2008

L'histoire des deux Rois

Jadis, en un lieu que le secret tient jalousement conservé, deux royaumes coexistaient, respectueux de leur bon voisinage; les conteurs disent que leurs rois étaient frères.
Des deux sociétés, l’une était rebelle mais l’autre jamais ne frémissait.

Émeutes et avanies, tel était le quotidien du plus malheureux des rois.
Vient un jour, où n’en pouvant plus, il foula son orgueil, et seul, au cours d’une nuit très noire, pour qu’on ne le vit point, il scella son cheval et quitta le royaume.

Il alla voir son frère, sans qu’aucun messager ne le devança. Parvenu à la cour, il fit requête :

- « Portiers, Je viens voir mon frère »
Incrédule, un des portiers l’interrogea:

- « Veux tu nous faire croire, que le propre frère du roi, lui-même preux régisseur, viendrait tel un errant, demandé audience? »

Au mot preux, le roi frissonna. Il n’était pas d’âme à se courroucer, et honteux il insista:

- « Je suis bien le roi, brave portier, si tu ne me crois pas que mon nom soit damné! »

L’autre portier, qui depuis les premiers instants tremblaient d’une belle crainte, pris la parole; tout ses pauvres membres tressaillaient:

- « Mon ami, le roi dit vrai, je le reconnais, sa voix ne ment pas, elle m‘est familière.
Et s’adressant au roi, il se confondit d’excuses, lui priant de ne garder aucune rancune pour la maladresse de son jeune ami.

- "Ne t’en fait pas brave portier, ton ami et pardonné, mais empresse toi de réveiller ton maître, j’ai à lui parler de frère à frère."

On le fit pénétrer le palais. Son frère loin de s’ébattre avec Morphée, était le séant sur le trône, un livre ouvert sur ses genoux; le souvenir d’un songe flottait sur son visage.
À la vue de son cadet, il s’assis plus convenablement, époussetant son lourd habit pourpre que le livre ancien avait tâché.
Sans prendre la parole, il l’invita de la paume à prendre place à ses côtés.

Le cœur du jeune roi cognait si fort contre sa poitrine, qu’il cru défaillir, et plutôt que de s’asseoir, il se jeta agenouillé, devant son aîné.
Sur son visage, les larmes, prenaient les rigoles de ses joues, qu’elles creusaient plus encore et sa peau déjà pâle devenait livide.
Ses mots mêlés aux sanglots et aux râles, sortaient de sa bouche par blocs inaudibles:

- « Mon frère, je n’en puis plus; mon royaume me désavoue, chaque jour m’accueille sous les huées des foules, massées sous mes fenêtres. En conseil des ministres mon propre vizir, me malmène au su de tous.
Je n’en dors plus et vis sans appétit; me crois tu, si je dis que plusieurs fois j’ai manqué me pendre?
Aide moi, à la fin ! C’est un cris de nécessité et de dernière espérance !"

L’autre roi, pendant l’aveux, n’a pas cillé, seule sa poitrine s’est gonflée au rythme de sa respiration poussive,
Il regarde son frère qui lui quémande des yeux, un dernier espoir; les mots n’ont toujours pas passé la frontière de ses lèvres. Il se lève, le trône grince; il n’est pas mince, ce roi!
Il s’avance, baise le front fraternel, et lui prend la main.

- « Suis moi! », dit il enfin.

La nuit est déjà bien entamée, le mauve succède au noir; les pas chassent les heures, et les heures les pas; la ville n’a bientôt plus de rues à offrir, c’est maintenant la tourbe des chemins de campagne, qui accueille leurs semelles.
Déjà le soleil rougeoie et réveil le coq, qui à son tour réveille les endormis.
C’est dans cette belle peinture, toute colorée des premiers pigments du jours , que l’aîné décide de freiner le pas; les deux frères sont dans un champ d’orges.

Il prend alors une grande inspiration grésillante, et rompt le jeune du silence:

- « Vois tu ce champ, mon frère? »

Il lui répond de la tête.

- «… c’est l’allégorie de ma société! »

Regard médusé

- « Regarde bien tout est net, toutes les plantes poussent de concert, nulle ne prend l’ascendant sur l’autre ».

Le jeune roi, y jette un œil plus intéressé; il se courbe vers la terre et constate avec approbation les dits de son frère. Mais en y regardant de plus près, il s’aperçoit qu’un épis est plus haut que les autres.

- « Celui là n’est pas réglementaire, ton champ n’est pas tout à fait net, dit il amusé! »
En échos à son rire, son frère lui répond:

- « c’est justement cette leçon, que je souhaitais t’instruire »

L’acte suit le mot, le dos courbé vers l’épis orgueilleux, deux de ses doigts l’agrippe, et l’ôtent de la terre.

Il se redresse et sa voix retenti :

« Toutes les têtes qui dépassent, coupe les! Toutes, dis-je, c’est ainsi que tu te feras respecter! »



Le silence saisit l’assemblée, Khoudaï Koul vient de conclure son histoire; les rois ont disparu et nos ombres ré émergent.
Il nous laisse reprendre nos esprits, mais avant que chacun regagne son occupation
Il lance d’un souffle chargé de regrets:

- « À l’époque de l’Union Soviétique, nulle tête n’était plus haute qu’une autre!
À cette époque, c’était la paix! »

lundi 11 août 2008

Césaire t'attend

En rentrant dans le taxi j’ai regardé mon ami Ravshan mais je n’ai pas parlé.
Sentant mon émotion, il est devenu interrogatif.

Je devais lui communiquer quelque chose d’extrêmement important, mais avec ma possession du russe, le défi était ardu.

Je me décide enfin, j’éclaircie ma voix, et les mots se jettent si vite au dehors de ma bouche que j’en balbutie: « Ravshan, Mahmoud est mort! Mahmoud Darwish!

Son menton collé a la lippe, et le front gagné par un remous de ride, il hausse ses épaules à son cou et écarte les bras, paumes ouvertes :
- « Mamoudwish… ? » C’est comme s’il mâchait un chewing-gum! Joue t’il a l’ironique, pour masquer sa tristesse?

Je feins un petit sourire pour lui dire que j’ai compris, mais j’insiste tout de même:
- « Tu sais, il est mort samedi! »

Dans ses yeux, nulle étincelle mais un brouillard d‘incompréhension. Ne connaîtrait-il pas le Poète de Galilée?

- « C’est un … » le mot en russe m’échappe! C’est un… décidément, le mot ne vient pas, mais j‘ai une idée :
- « j’écris… Je suis ? »
- « Bah j’écris » répond-il très content de m’apprendre la conjugaison.
- « Non, attend! » je le montre du doigt, et mime de griffonner sur le tableau de bord:
« Toi tu écris… tu es ?
- « Tu écris »!
Très bien, je suis bien aise de connaître la conjugaison du verbe écrire, mais maintenant, je m’impatiente.
Je tente un autre stratagème:
- « Tolstoy! Il est ? Comment dis-tu en russe?»
« Bah Lev Tolstoy! »

Mince, je parle d’un virtuose des mots, et j’achoppe sur le seul qu’il me faut communiquer! L’absurde prend l’emprise de la scène; excédé, je manœuvre une dernière fois:
« Shakespeare… c’est? »

Sans qu ‘il ne s’exclame, je sais qu’il a compris; ses yeux s’écarquillent soudainement, et de sa bouche, à moitié entrouverte, il me jette très calmement : « pissatye ». Les lettres sortent proprement alignées comme s’il les avais dégluties.

Voilà ! dis-je, balle au bond, eh bien Mahmoud c’est un pissatye! Un pissatye de Palestine!

J’attend une solidarité, un petit plissement d’œil et de lèvre contrits; mais rien de tout cela.
Je suis désespéré, Mahmoud est mort, et moi je suis dans un taxi avec Ravshan et il s’en fou !

C’est alors, qu’il met le contact et, découvrant ses dents blanches qui ne portent pas le deuil, il marmonne en russe, une phrase dont j’imagine le sens plutôt que de l’avoir compris:
- « T’en fait pas petit gars, le poète meurt, mais les mots lui survivent ! »
Il ponctue sa phrase d’une grande bourre dans le dos.

Tachkent boit d’un trait, le dernier rayon orange du jour; l’ombre englouti déjà la ville. Ravshan sait qu’à cet instant, il ne faut pas trahir le silence.

Mahmoud est mort! je me répète, Mahmoud est mort! Mais ma tristesse soudain se déshabille; un sourire s’est posé sur mes lèvres, et c’est lui qui les anime:
- « Mahmoud est mort dit il, mais toi tu es en vie! »

Un battement plus vif m’étreint le cœur tandis que ma nuque se tord sous les griffe froide d’un frisson. Mahmoud est mort mais avant de partir, il m’avait fait cette confidence :

« Laisse donc ta mort, homme et pars. Pars, émigre et voyage au sein du voyage. »

dimanche 10 août 2008

La Globalisation n'aura pas mon Durum!

Fast-food fast-art, fast-love? La Globalisation vous voulez dire?
Bien sûr, ici aussi la société a pris le pas !

Les chanteurs qui perchent leur corps sur des berlines, et leur voix au plus hauts des vibratos ?

- Affirmatif!

Le short au pli de l’aine et le tee-shirt qui découvre le nombril ?

- Affirmatif et même hallal !

La restauration rapide, indigestible,qu’on tasse dans l’estomac a grandes lampées de coca?

- affirmatif… Enfin, Mac-clown a été cloué à la douane. Ici c’est Chicken Wing !

Deux étages, une terrasse, l’accès au Wifi, un gentil boiteux qui veille au parking et tabasse les enfants mendiants, bienvenue chez Chicken Wing!

Asseyez vous; commandez un Durum ! Ne soyez pas empoté, voyons!
Vous dites ? Il n’y a pas de place en terrasse, et la chaleur est trop dense à l‘intérieur?
Voici l‘escalier, grimpez-y, Il y’a un autre étage!
C’est plus propre, et plus commode, n’est-ce pas ?

L’armée de femmes, pantalons noires, chemises oranges, ce sont les serveuses!
Pour le moment, elles sont en pause. Toutes amassées devant la grande télé, fourchettes à la bouche, elles s’extasient devant les robes et les minots; c’est l’heure des clips !

La pause s’éternise, il est 16h maintenant, et plus un client. À part un paumé binoclard, qui profite du Wifi !

Et les minutes s’égrainent…

…. Encore et toujours…

Le volume sonore, le temps d’écoute, la répétition des pages publicitaires sur les sonneries téléphoniques… tout ce chaos de bruits, le binoclard a commencé à en avoir la tête lourde, puis légère, et enfin plus de tête du tout..

C’est alors que tout vacille !

Réalité ou Délire ? Les serveuses, dociles jusqu’alors, sont maintenant debout, braillardes et armées d’ustensiles ménagers. Après La bataille d’Amir Timur, voici un nouveau front déclaré.

Il est pénible de distinguer les assaillantes; elles arborent toutes les mêmes treillis.
L’une se distingue, tout de même. C’est la plus téméraire. Deux pommettes mongoles au dessus des joues, et fièrement dressé sur sa tête, un chignon noir comme Attila! Elle est en première ligne, son arme: un aspergeant. Habile à faire parler la gâchette, ses coups font mouche à chaque giclée!

Elle prend longtemps l’ascendant sur l’ennemi; mais voilà, quelques secondes d’inattention qu’un balaie lui a crocheté une jambe. Elle perd l‘équilibre, et le petit bout de femme qui se trouvait au bout manche, lui saute déjà dessus.
La lutte continue au sol, acharnée, ventre conte ventre, rire contre rire !

On se lasse enfin. La petite troupe d’ébouriffées, la peau rougie et suante, s’accorde le luxe d’une trêve et fraternisent autour d’un coca.

La folle atmosphère est chassée par les fenêtres entrebâillées; pour le binoclard aussi, le moment est venu de prendre l’air.

samedi 9 août 2008

L'attraction aux mariés

Samedi s’éteint dans la langueur. Ne faites pas de même!
Venez, je vous emmène découvrir le jardin japonais!
Il n’en coûte que 3000 soums. Trois billets, ne soyez pas avares, le détour est payable en bonne humeur et en bons souvenirs.

Le gazon est rasé de prêt, il en parait une moquette verte, que longent des parterres de fleurs de saisons. Sur les berges d’un lac d’eau grise, une bande de cannes se dandinent et caquettent; deux, trois petites pagodes parsemés ça et là, finissent de compléter la toile. Décidément, on ne nous a pas trompé, nous sommes bel et bien dans un jardin japonais.

À ce détail prêt, qui n’est pas anodin : le samedi à Tachkent, c’est comme à Bamako - un jour de mariage.

Pour moi aussi, ce jardin était banal, aux premiers abords. Je marchais, mal réveillé, la tête lourde de pensées, et les yeux balayant le sol, plein de nonchalance.

Ce qui fit tilt? Le frottement d’un tissu sur le goudron râpeux de l’allée.
C’est à cet instant que j’ai levé les yeux et le spectacle a commencé!

Un marié, une mariée, jusque là, rien de renversant ! L’homme est vêtu d’un complet sombre, élégant, le col serré par une cravate cramoisie, sa moitié, toute blanche, a la taille qui déborde d’une cascade de dentelles.

Un mariage, comme il est commun d’en voir à Paris.
Un mariage? Deux en fait, un autre couple les suit!
Attendez voir ! Deux couples ? Non ! Ils sont Dix ! Ils sont Vingt ! …. Et Combien d’autres encore!

Une file d’attente de mariés se presse, à l’orée du porche d’une seconde entrée - la véritable entrée romantique. On se croirait dans un parc d’attraction.

Tous s’impatientent de fouler la pelouse. À croire que les froufrous blancs ont hâte de se tacher de chlorophylle.

Les chanceux sont déjà en piste, et batifolent sous les flashs des photographes.
Qui est assis sur un banc, l‘air benêt, un bouquet de fleur artificielles à la main, qui est debout, plus solennel, plus ridicule, qui d’autres, mime le baiser réjoui…

Mais la plus folle attraction, c’est le pont où s‘amasse les foules noires et blanches, plus nombreuses que jamais.
Un petit sourire pour la postérité, une tendre étreinte qui trônera bientôt en photo sur le buffet; un couple s’en va, suivi d’un autre, et d’un autre, et d’un autre.
Champ de pâquerette éphémère!

J’espère que vous n’êtes pas déçu d’avoir lesté votre bourse!

Le jour donne maintenant la main à la nuit, le ciel a jauni le temps d‘un frisson, pour redevenir sombre. Les brebis blanches et leur fier béliers, quittent le pré, la nuit sera longue et langoureuse dans la bergerie!

Vautré sur un banc, la tête dans les bras et mon livre sur le ventre, je reste en compagnie du vent. Je l’observe qui ride l’eau grise, et chasse des arbres, les feuilles hélices. Elles tournoient longtemps dans le ciel, où deux colombes s’ébattent, faisant claquer leurs ailes dans un bruit de papier froissés; Le parc se vide, un voile noir vient de couvrir le corps de Tachkent.

Combien de couples s’aimeront, cette nuit ?
Beaucoup ! Qui en doute?

Le dépeuplement de la ville attendra que l’on déracine son jardin japonais !

Le traité d'amitié a été scellé au bord d'une Nexia!

La portière de la Nexia se ferme sur la chaleur, « Skolka » me demande le chauffeur ? Combien ?
- Dva ! ( 2000 soums), c’est raisonnable pour la distance! J’ai l’habitude d’être plus généreux, mais voilà, ma bourse s’est amaigrie.

- « A kuda » ( tu viens d’où) ? Je ne compte plus cette question!
- « Franzuz! » La réponse jetée, appelle une autre question, la fameuse!
- Tourist ?
- Niet ! Réponse appuyée.
- Rabotayesh ? (Tu travailles)
- Da!
- Gdie (où) ?

Que vais-je bien pouvoir inventer, aujourd’hui ?

- Je suis Footballeur, Je joue au Kurutchi !

Le silence d’abord, puis un petit cris sort involontairement de sa gorge, sans que ses lèvres l’eussent invité. Sur ses tempes, le pouls subitement accéléré, dessine des vaguelettes. Il est aux anges.

- Sérieux ?! Me rétorque-t-il, après avoir repris haleine.

Sur son visage, je lis un sourire, auquel je répond en miroir, dans un premier temps pour faire durer le suspens.
Je joue un peu avec le temps, mime le sérieux et racle ma gorge.
Je laisse son émotion se tendre encore et, dès que je la sent avoir atteint son pic, je répond enfin :

- Bah non, je déconne!

La petite étincelle qui avait jaillit contre son iris, plonge à l’oubli dans les profondeurs de ses pupilles. Il a ravalé son sourire et son visage est maintenant excessivement sérieux.

Je l’ai déçu, semble-t-il . L’ironie est ici une langue étrangère !

Fatigué de ma journée, je profite du silence pour m’étendre plus confortablement sur mon siège. Il nous reste 10 minutes de trajet.

Il boude toujours, et pousse le son du transistor, qui sue une mauvaise techno ouzbek.
Avec de si bonne basses, quelle misère de s’abîmer les oreilles d’une pareille musique.
Je n’en peux plus et me tournant vers lui j’hésite une phrase balbutiante :

- « Rap Yest ? » ( t’as pas du rap)
- Rep ?
- Da , Da!

Le sourire et de retour, il me regarde complice, une seule de ses mains agrippe le volant, de l’autre il triture une télécommande.

La musique vient de changer; enfin les basses servent véritablement leurs fonctions.
Son coude sur la fenêtre, il navigue maintenant de l’avant bras, comme un gangster américain.

Ma tête commence à bouger! L’espace-temps est renversé! Fini l’Ouzbékistan à la tonton, on passe au Pays des Grandes Opportunités ! ( Mat a la paternité de cette formule).

On a trouvé une langue commune, sa tête a pris la même cadence que la mienne, de haut en bas avec des petits mouvements sur les côtés; il pousse encore un peu le son,
Here we come!

En vous écrivant cela, ma tête balance encore, à ce détail près que je ne suis pas dans une voiture et qu’il n’y a plus de musique, hormis, le souffle bruyant de la climatisation de l’hôtel et une escrimeuse chinoise, qui hurle tellement à la télé, que je dois plusieurs fois me tourner, pour m’assurer qu'il ne sagit pas d'un film d’horreur.

Une famille européenne qui déjeune, me regarde ahurie! Je me ressaisi !
Sûrement, ne connaissent-il pas cette langue! Je me dois retourner à l’Ironie!

- Je souffre de Parkinson ! Leur dis-je, moue aux lèvres!
Se sont-il ouzbekisés , qu’ils ne rient pas !

Eh ! Peu m’en chaut! Donnez moi des basses lourdes et de l’Ironie, nul besoin d’autres langues pour bâtir ma Patrie!

Fumons l’opium des peuples !

« Bismillah al rahman al rahim… »Tapis bleu marine, au sol, jeans ajustés aux chevilles, un homme commence la troisième prière du jour, celle d’al Asr.
Les paumes soudées par leur flancs, mimant un livre ouvert, il courbe son dos, s’agenouille. Sa face vient baiser le tapis, une fois…une autre.
Le rituel se répète : de nouveau agenouillé, il se relève, se recourbe, les paumes dans la même posture, puis s’en va, laissant son tapis au sol.

Un autre type vient y coller ses genoux; accompagné cette fois-ci pas quatre camarades.
« Bismillah al Rahma… » la prière reprend court, mais moins audiblement car un rugissement vient de retentir !

« Partakor, Partakor » , « Bunyodkor, Bunyodkor» , le stade s’embrase, se colore. Une poche jaune, une immense marée bleue, puis encore du jaune dans les virages.
Je suis au sommet de la plus haute tribune, assis sur une feuille de papier journal, à un rang où il n’y a plus de siège. C’est le derby de Tachkent?

Le Bunyodkor qui s’appelait très récemment encore, Kuruchi, jeune club, connu chez nous, pour avoir prétendu qu’il s’était offert les services d’Eto’o, affronte le club presque quinquagénaire du Partakor.

Un guide touristique, spécialisé dans les groupes italiens, près de moi, m’interpelle :

- « C’est Bunyodkoré qui va gagner hein ! C’est la milleur squadra ! »
- « Ah oui ? » ma réponse est évasive.
- « Ma si , c’est la milleur! »

Derrière nous, tournés vers la Mecque, face à l’épaisse plaque de taule qui ferme la tribune, d’autres supporters, genoux fléchis, marmonnent consciencieusement la fin de leur prière.
Le soleil décline, jetant ses dernières lueurs sur la piste safran qui borde le stade à la pelouse verte pomme. La chaleur suffocante, mouille nos fronts de sueur.

Une clameur vient de monter des tribunes basses pour remplir le stade. Un coup de sifflet, une passe, le match est lancé.

Quelques secondes à peine et déjà un joueur est au sol. La partie est chaotique. Entre le rugby pour la rudesse des chocs, et la gymnastique pour l’esthétisme de leurs pirouettes, les joueurs donnent un spectacle déroutant!

- « Cilui là, c’est le milleur, il gagne 15 000 dollarrr par mois »!

Il est fauché au sol, par un tacle boucher. La foule déchaînée hurle « arrêtez le match! Bunyodkor joue à 11 contre 12 ! Sudié Pederaste, Sudié Pederaste… Le pauvre arbitre (sudié en russe) est hué, insulté, et nul besoin de traduire l’insulte.

Devant moi, un flic est assis en uniforme. Un flic ? Non, c‘est une nuée de képis !
Ici on les appelle les concombres, car ils sont tout vert, et que la forme phallique de ce légume n’évoque rien de très intelligent. Allez les verts ! C’est la troisième équipe, ils doivent être plus de 500 dans le stade.

De nouveau, des pieds me frôlent, des tapis sur le sol, s’étalent. C’est la prière de Maghrib qui appelle les fidèles, tandis que sur le terrain, l’arbitre sonne la fin de la première messe.
Le deuxième temps de jeu n’a rien de trépidant. Nez, en l’air, béatement, je m’amuse des loopings des papillons de nuits qui s’ébattent dans les stries de lumières artificielles.
Le Partakor égalise. 1-1, les jaunes exultent! Partakor! Partakor! Auxquels répondent les échos adverses : Sudié Pederaste, Sudié Pederaste… un déçu lance son siège comme il l’aurait fait d’un frisbee.
La lune est joliment rousse ce soir, et la chaleur maintenant désépaissie, est traversée par une brise câline.

Enfin, le sifflet de l’arbitre nous délivre. En demie liesse, nous regagnons la rue.
Le score, contente tout le monde. Deux prières, deux buts, c’est un bon équilibre!

Mais que réclamaient ces prières ? La victoire du Partakor? Celle du Bunyodkor?
Un croyant généreux désirait-il la concorde des supporters ?
En tout cas, pour Laporta, l’entraîneur du FC Barcelone, invité d’honneur de ce match, peu honorable, il n’était pas ardu de deviner le sens de sa prière, le coup de sifflet final, l’a exhaussé !

jeudi 7 août 2008

Le Djihad des pions

Le parc Amir Timur, baigne, en ce début d’après-midi, dans une tendre lumière couleur ambre. Tous les détails de la statue équestre du conquérant, sont suggérés, magnifiés; une sereine puissance s‘en dégage.

Alentour, tout est quiet, n’étaient-ce les chants des oiseaux et les murmures de la brise qui allègent l’écrasante chaleur, et cajole la peau dévêtue.
Cette scène paisible en apparence, n’est pourtant que l’étourdissement d’un rêveur.
Dès que l’œil s’est gorgé de ce vert , de ce roux, de cette belle toile altière, la vie reprend ses forces pour courir d’autres rêveries.

Mais plus promptes que prévues, les voici déjà… la contemplation se réinvite à une table voisine.

Qu‘est-ce? N’étions-nous point seul? Quelle est cette armée qui nous entoure, moi et le vieil empereur ? Les troupes sont noires, les troupes sont blanches, elles défilent en armes.
Frayeur !

Quelle tournure prendront les événements? Un temps passe, un temps cours. Curieusement personne ne sonne l’assaut. Plus curieusement encore, les noirs, les blancs se fichent même de nous. Ils préfèrent se faire face et, partout, se sont des duels qui s’engagent !
Le champ de bataille s’éclate en d’infimes guérillas, sur des plateaux carrés, loin des préoccupations des conventions de Genève.

Je me précipite, sur le plus proche théâtre: un cavalier vient de tomber sur les coups d’un fou noir, qui l‘a surpris de biais. La vengeance est sonnée, il est bientôt encerclé par une troupe de soldats blancs. Les coups sont rudes, le plateau tremble, quel incroyable chaos! Il ne reste bientôt plus que deux soldats dans chaque camps, et deux rois apeurés, exilés dans les confins de leur royaumes.
Neutralisés, les deux camps pactisent sur ce champs de ruine, tandis que perdurent alentour les guérillas voisines!


Il n’est pas nécessaire de l’irriguer de sang, la guerre est partout dans notre imaginaire, et ses causes légitimes , vous les trouverez en légions dans vos propres faiblesses!
Samarkand la bleue !